Un cocktail détonnant : Doute, Peur, Culpabilité
Beaucoup de gens se plaignent de leur incapacité à s’affirmer, à dire “non” et de toutes les conséquences négatives que cela a dans leur vie privée comme dans leur vie professionnelle : sensation de ne pas être entendu et respecté, diminution de l’estime de soi (“J’ai été lâche” ou “Je me suis encore fait avoir”), aigreur, découragement, problèmes de poids, eh oui !
D’autres ne font pas consciemment le lien entre leur mal-être et ce manque d’affirmation de soi, mais le découvrent très vite en thérapie, derrière leur irréaliste fantasme d’harmonie relationnelle permanente. D’une manière générale, les gens qui ne savent pas s’affirmer s’enferment dans un cercle vicieux qui comporte trois clés : le doute, la peur et la culpabilité. Suis-je bien légitimé à réclamer ou à refuser cela ? Ne vais-je pas blesser cette personne et perdre son amitié si je m’oppose à elle ? Quel égoïste je serais de ne pas tenir compte des demandes des autres !
Première clé : le doute
Le doute est permanent chez les gens qui ne savent pas s’affirmer. À quel moment aurais-je dû poser la limite ? Est-ce que ça vaut la peine de se battre pour si peu ? Comment faire aussi pour dire, pour oser, pour agir ? Et au-delà du doute, il y a aussi beaucoup de confusions.
Confusion entre “rage” et “colère”, entre “s’affirmer” et “crier”, entre “conflits” et “ruptures”, entre “être rigide” et “être structuré”, entre “être autonome” et “être individualiste et égoïste”, entre “dire non” et “rejeter une personne”.
Cela fait beaucoup de tri à faire pour remettre les concepts à leur place.
Les conflits sont indispensables à une bonne relation, ils ne sont pas synonymes de disputes, de scènes et de hurlements, ni d’échec relationnel.
On peut aimer quelqu’un sans tout lui permettre.
Si vous avez du mal à vous affirmer et si dire non vous fait peur, c’est en grande partie parce que vos parents eux-mêmes n’étaient pas des experts en affirmation de soi. Comme le dit le proverbe, les chiens ne font pas des chats. Le modèle d’affirmation de soi de vos parents était inefficace. Si certains d’entre vous reconnaîtront volontiers avoir eu comme modèles des parents timides, timorés, peu affirmés et paralysés par la peur des conflits ou du “qu’en dira-t-on ?”, beaucoup de lecteurs réagiront en protestant : “C’est faux !
Mon père (ou ma mère) était très autoritaire !” Et bien justement, c’est un paradoxe : les gens qui savent s’affirmer n’ont pas besoin d’être psychorigides. C’est la fameuse “main de fer dans le gant de velours”. Si à l’inverse, le gant est en fer, c’est que la main est bien molle. Les parents que leurs enfants croient “autoritaires” sont rigides mais rarement structurés. Et leur façon de poser les limites est décousue et illogique. Car dans cette éducation sévère, il y a aussi une incapacité à trier les priorités.
Par exemple, un parent “autoritaire” se mettra en rage pour un bol renversé par des petites mains malhabiles ou parce que l’horaire du repas n’a pas été respecté à la minute près, mais laissera passer sans broncher des situations vraiment graves parce que réagir aurait impliqué d’aller s’affirmer sans hurler auprès d’autres adultes : un enseignant, un voisin ou un autre parent.
Ainsi se renforce le doute dans la tête de l’enfant parce qu’il sent intuitivement que l’attitude du parent sévère n’est pas adéquate et pourtant un parent a toujours raison quand on est petit. Devenu grand, il risque de rejeter toute forme d’autorité autant chez lui que chez les autres, même quand elle serait légitime comme dans le cadre du travail de la part d’un chef de service et même si cette autorité est appliquée avec tact et respect. Une dernière confusion risque de se mettre en place entre “pouvoir” et “abus de pouvoir”.
La deuxième clé du manque d’affirmation de soi est la peur
C’est très tôt dans la vie que se joue le potentiel d’affirmation de soi d’un être humain car le “non” apparaît chez l’enfant entre deux et trois ans. En fonction de la réaction de l’entourage parental et éducatif à ces précoces tentatives d’affirmation de soi, la capacité à dire “non” de l’enfant sera acquise, endommagée ou perdue et quelquefois dès la première tentative. On retrouve souvent dans l’histoire personnelle des gens incapables de s’affirmer, une vigoureuse répression parentale de leurs premières rébellions. Fessées, mises à l’écart “au coin” ou dans une autre pièce, douches froides, le recours à ces violences pour “calmer” les enfants est une pratique courante encore aujourd’hui. Le droit aux émotions en général et à la colère en particulier chez les enfants n’est pas encore bien respecté et compris par les parents qui recadrent souvent ce potentiel émotionnel en “caprices”.
La troisième clé est la culpabilité
Mais la peur du châtiment ou du rejet n’est pas le seul moyen de destruction du potentiel d’affirmation de soi des enfants. Il arrive souvent dans les séminaires que j’anime que plusieurs des femmes présentes confirment avoir vécu “le coup du miroir” et en avoir gardé un cuisant souvenir. “Le coup du miroir”, cela consiste à mettre une petite fille en colère devant un miroir pour “qu’elle puisse voir comme son visage est vilain lorsqu’elle crie”. La fillette mortifiée doit subir la honte de regarder son visage déformé par l’émotion. Les petits garçons donnent plus dans la culpabilité. Ils font “tellement de peine à Maman…” Beaucoup d’entre eux se souviennent, adultes rongés de remords, des larmes de leur mère parce qu’ils étaient “impossibles” et lui en faisait voir “de toutes les couleurs”. Comme vous pouvez le constater, la honte et la culpabilité sont aussi beaucoup utilisées pour décourager les enfants de tenir tête aux adultes et de développer une personnalité affirmée. Ces émotions si douloureuses, très fortement ressenties par les enfants, vont les paralyser pour de longues années.
C’est ainsi qu’au doute et à la peur vient s’ajouter la culpabilité, dernière clé du cocktail infernal : doute, peur, culpabilité. Les gens qui n’osent pas s’affirmer et qui ne savent pas dire non, s’enferment systématiquement dans ce cercle vicieux à chaque fois que l’affirmation de soi aurait été nécessaire. Chaque clé renvoyant à la suivante, ces personnes ont la sensation de tourner en rond dans leur problème comme un hamster dans sa roue, sans trouver d’issue. Ce qui fait, bien sûr, que leur malaise va grandissant au fil des années.
C’est pourquoi apprendre l’affirmation de vous passe par le désamorçage de ces trois clés :
– Pour sortir du doute, il faut clarifier vos croyances sur la nécessité des conflits, connaître vos propres limites pour pouvoir les poser aux autres et apprendre les techniques d’affirmation de soi qui permettent de le faire sans violence, avec tact et respect. – Pour désamorcer la peur, il vous faudra grandir un peu (Jusqu’à quel âge allez-vous laisser aux autres adultes le pouvoir de vous traiter en enfant soumis ?), guérir de vos peurs irrationnelles, mais aussi et surtout apprendre à vous protéger émotionnellement dans vos relations
– Et pour sortir de la culpabilité, il faut revoir votre liste d’interdits, vous rendre quelques autorisations indispensables, savoir redistribuer équitablement les responsabilités dans la relation et développer vos capacités diplomatiques afin que s’affirmer n’implique pas de blesser l’autre.
C’est ce programme réjouissant que je vous propose au fil des pages suivantes dans le livre de CHRISTEL PETITCOLLIN S’affirmer et oser dire non Doute, peur, culpabilité : sortir du cercle
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