Il n'est pas rare que certaines personnes soient tourmentées par l'impression qu'elles sont indignes d'être aimées, qu'elles sont dépourvues de toute qualité et inapte au bonheur. Ces sentiments résultent le plus souvent du mépris et des critiques réitérées des parents ou des proches. S'y ajoute un sentiment de culpabilité lorsque ces personnes se jugent responsables des imperfections qu'elles s'attribuent. Assiégées par ces pensées négatives, elles ne cessent de se blâmer et se sentent coupées des autres.
Une étude chez des adolescents déprimés a montré que ceux qui avaient le plus haut niveau d'autodévaluation étaient ceux qui un an plus tard présentaient le risque le plus élevé de chronicisation de leur épisode dépressif.
Selon Paul Gilbert, dans l'autocritique pathologique qui constitue une sorte de harcèlement intérieur, une partie de soi en accuse une autre, qu'elle hait et qu'elle méprise. On estime plus sûr de se blâmer soi-même que de provoquer la colère de ceux qui abusent de soi, et de risquer ainsi un redoublement de violence. Parfois, on va jusqu'à prendre les devants et se critiquer soi-même pour désamorcer le risque d'être humilié par les autres. En s'abaissant, on espère s'attirer un peu plus de sympathie. Mais, fréquemment, ceux qui appliquent cette stratégie cachent une profonde colère envers ceux qui les ont maltraités, doublée d'un sentiment de honte.
Ces sentiments se manifestent généralement dès l'enfance, très souvent à la suite de mauvais traitements infligés par les proches ; ils entraînent des troubles psychologiques graves, dont de nombreuses phobies sociales, l'angoisse, la dépression, et l'agressivité envers soi-même ou envers les autres. La privation d'amour et la dévalorisation de soi peuvent ainsi conduire au désespoir, voire au suicide, ainsi qu'en témoignent les propos d'une personne, cités par Kristin Neff : " Parfois, je suis si seule qu'il semble que je serais mieux morte. Je pense à mourir parce que j'ai si peu de valeur et que personne ne m'aime Je ne m'aime pas Mieux vaut être morte pour de bon que de se sentir morte à l'intérieur" Selon Neff:
" La meilleure façon de contrecarrer l'autocritique obsessionnelle consiste à la comprendre, à avoir de la compassion envers elle, puis à la remplacer par une réaction bienveillante En nous laissant émouvoir par les souffrances que nous avons éprouvées à cause de notre mépris de nous-mêmes, nous renforçons notre désir de guérir Finalement, après nous être frappé la tête suffisamment longtemps contre les murs, nous en venons à décider que cela suffit, et à exiger la fin des douleurs que nous nous infligeons à nous-mêmes
PLAIDOYER POUR L'ALTRUISME. La force De La Bienveillance.
MATTHIEU RICARD.
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