Sortir des sentiers battus de la médecine officielle sans avoir été mandaté par une recherche journalistique ou universitaire n’est pas aisé et nécessite une longue réflexion. Ce temps, que s’est offert Jean-Philippe de Tonnac, ne l’a pas détourné de son projet : partir à la rencontre de femmes mues par la volonté de poser un baume sur les douleurs auxquelles tout être est un jour appelé à se confronter. Dans son livre “Le Cercle des guérisseuses” (Guy Trédaniel), l’écrivain, essayiste et éditeur Jean-Philippe de Tonnac nous ouvre les portes d’un univers injustement réputé obscur et magique, et qui abolit en réalité de manière naturelle nos illusions de séparation entre le visible et l’invisible.
Happinez : Le terme “guérisseuse” reste empreint de magie et d’ésotérisme. Comment décrire avec justesse cette pratique tant condamnée au fil des siècles et pourtant toujours présente ? Jean-Philippe de Tonnac : Les guérisseuses sont des personnes qui consacrent leur vie au soin et à l’accompagnement. En fonction des outils qu’elles revendiquent, des pratiques qu’elles exercent, des dons à partir desquels elles réussissent à enclencher chez leurs patients un processus de guérison, elles sont appelées énergéticiennes, médiums, magnétiseuses, chamanes, chercheuses en mémoire cellulaire, etc. À une autre époque, elles auraient été qualifiées de sorcières. Happinez : Dans quelles circonstances avez-vous entrepris ce singulier voyage à la rencontre de guérisseuses en France, au Canada et en Suisse ? Jean-Philippe de Tonnac : Sur le conseil d’une amie, je suis allé voir en 2015 une médium. Quelques années plus tôt, ma mère s’était donné la mort. Je n’avais pas su affronter ce tragique événement, “faire mon deuil”, selon l’expression consacrée ; pas davantage lui apporter à elle, dans son “au-delà”, un quelconque réconfort. Pour libérer l’âme de ma mère, la médium m’adressa à un prêtre orthodoxe exorciste. L’expérience me bouleversa ; elle transforma ma vie. Happinez : Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer uniquement sur la guérison au féminin ? Jean-Philippe de Tonnac : J’ai depuis mon adolescence la sensation d’appartenir à une espèce, Homo sapiens, qui a blessé son féminin. Il ne s’agit pas simplement de dire que les femmes sont les victimes d’une civilisation patriarcale, mais de constater que les femmes, comme les hommes, ont mal à leur féminin. Les guérisseuses sont pour moi des femmes blessées et souvent plus que la moyenne ; s’étant réparées, relevées, elles peuvent venir au secours de leurs semblables. Happinez : Au sein du processus de guérison, la personne malade est-elle passive ? Jean-Philippe de Tonnac : Une des guérisseuses que j’ai rencontrées dit que le soin est « une association de bienfaiteurs ». L’expression est très belle. La guérisseuse doit être porteuse d’une “intention” de vous venir en aide et de vous guérir, “aidée” par ses alliés, ses instances invisibles, si jamais elle se réclame d’elles ; mais elle ne fera rien sans votre participation active. Le rôle de la guérisseuse est de faire de vous votre propre guérisseur. Happinez : Avez-vous déjà vécu une séance de guérison dans la peau du patient ? Qu’avez-vous ressenti ? Jean-Philippe de Tonnac : De chacune des guérisseuses rencontrées, j’ai reçu un ou plusieurs soins. La seule façon de témoigner de ce qu’était leur art de soigner était d’être soigné. À travers le soin, vous percevez que vous êtes interconnecté avec vos vivants et vos morts, que tout le monde interagit avec tout le monde, que prendre soin de soi, c’est prendre soin de tous. Le peu de considération que nous avons pour nos morts est à l’origine de beaucoup de nos difficultés. Propos recueillis par Aubry François
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