Dépendance affective, manque de confiance en soi et envers les autres, soif de reconnaissance... Cela peut traduire une blessure d'abandon. Une souffrance qui s'installe dans l'enfance, quand on s'est senti en insécurité affective. Comment la reconnaître ? La guérir ? Quelles conséquences sur le couple ? Au travail ?
Dévalorisation, manque de confiance en soi, dépendance affective... La blessure d'abandon trouve sa source dans l'enfance et peut se manifester par différents comportements, qui peuvent avoir des répercussions néfastes sur les relations amicales, familiales et amoureuses, mais aussi au travail. Comment reconnaître la blessure d'abandon ? L'expliquer ? Quelles sont les solutions et les clefs pour s'en détacher ? Peut-on vraiment en guérir ?
La notion d'abandon est large. "Pour beaucoup de personnes, l'abandon représente seulement l'idée qu'un parent décide de se séparer volontairement et physiquement de son enfant. Or, ce n'est pas que ça. La blessure d'abandon est un ressenti vécu dans l'enfance, qui est apparu suite à l'absence - physique ou mentale - d'un parent ou d'un proche, à une impression d'insécurité, ou à un attachement qui n'a pas pu se faire convenablement. La blessure d'abandon, on l'a tous vécue d'une certaine manière, ne serait-ce que lorsqu'on a quitté la matrice de la mère à la naissance. En effet, le premier abandon, c'est lorsque l'on sort de cette fusion mère-enfant", décrit en préambule la psychothérapeute. Bien sûr, l'abandon ne constitue pas forcément une blessure. Certains l'acceptent très facilement. Pour d'autres, cela représente une vraie souffrance. "Et si, à l'âge adulte, cette blessure n'est pas cicatrisée, elle peut se raviver et avoir d'importantes conséquences sur sa vie privée et/ou professionnelle".
La blessure d'abandon est liée au manque d'une figure attachante et sécurisante.
Dans la quasi-totalité des cas, la blessure d'abandon s'installe dans l'enfance et se réactive à l'âge adulte. "Plus largement, toutes nos blessures émotionnelles sont le fruit de nos expériences de vie et même de nos gênes. Par conséquent, des émotions non gérées de nos parents ou de nos grands-parents (par exemple, notre mère qui a été abandonnée par sa mère) peuvent être ressenties par nous aujourd'hui, sans que l'on ait connu cet abandon. Et ces ressentis sont variables d'une personne à une autre. Voilà pourquoi au sein d'une même fratrie, les frères et sœurs ont souvent des ressentis différents. Plus concrètement, la blessure d'abandon est liée au manque d'une figure attachante et sécurisante." Elle peut être présente chez des enfants qui ont été livrés à eux-mêmes, qui ont dû grandir seul, sans la présence physique ou émotionnelle d'un parent, ou tout simplement ceux qui n'ont pas trouvé l'écoute et l'accompagnement dont ils avaient besoin à un moment donné... Ce n'est donc pas la quantité d'amour, qui est en cause, mais la qualité de l'attachement et de la sécurité. "Une mère ou un père peut très bien donner beaucoup d'amour à son enfant et pour autant, ne pas parvenir à le sécuriser". La blessure d'abandon a une explication scientifique. "On a tous dans le cerveau, une sorte d'alarme et de détecteur de danger que l'on appelle "l'amygdale cérébelleuse". Cette amygdale, présente du "berceau au tombeau", joue un rôle dans les émotions et le conditionnement. Et lorsqu'on se sent "abandonné" ou en manque d'attachement, cette amygdale va être activée comme une alarme et va envoyer au cerveau des signaux d'insécurité et d'instabilité".
Si on n'en prend pas soin, la blessure risque de se réactiver tout au long de sa vie. Les personnes dont la blessure d'abandon n'est pas cicatrisée peuvent manifester certains comportements comme :
Une dépendance affective.
Un manque d'autonomie.
Un manque d'estime de soi. La personne peut alors penser : "je ne suis pas quelqu'un de bien", "on ne peut pas m'aimer pour ce que je suis" ou "je ne suis pas digne d'amour".
Une survalorisation des autres.
Une peur de la solitude.
Un sentiment de culpabilité.
Une propension à être attiré par des relations toxiques.
Une impression de rejet, d'être négligé, mis à l'écart en permanence, ou d'être la dernière "roue du carrosse".
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Les effets de la blessure d'abandon sur le couple sont très variables d'une personne à une autre. "Cela va dépendre de sa stratégie de survie, autrement dit de sa façon de mettre en place des ressorts intérieurs pour gérer une menace. On a tous une stratégie de survie qui nous est propre". Parmi les stratégies-type :
La personne blessée peut se montrer très dépendante vis-à-vis de son partenaire et manquer d'autonomie.
Elle peut également être très exigeante car elle estime qu'elle a manqué de quelque chose pendant son enfance.
Elle peut au contraire être dans le sacrifice permanent et accepter l'inacceptable.
Il peut également y avoir une stratégie qui consiste à répéter le même schéma : "Certaines personnes qui ressentent une blessure d'abandon peuvent à leur tour "abandonner" leur partenaire. On appelle cela une "carte retournée" : ces personnes préfèrent prendre les devants, couper court à l'histoire et se saboter pour ne pas revivre un potentiel abandon. Mais il faut bien comprendre qu'à l'âge adulte, on n'abandonne pas son partenaire, on le quitte, on est donc dans l'action et non dans la passivité. Toutefois, dans le cas d'une "carte retournée", on n'est pas vraiment dans une démarche active puisque c'est la peur qui orchestre nos actes".
La blessure d'abandon peut également avoir des effets sur sa vie professionnelle. Elle peut se traduire par :
un manque de confiance en soi,
un manque de confiance envers les autres,
la crainte permanente de décevoir, de ne pas être à la hauteur et de se faire, à terme, licencié et donc abandonné encore une fois.
"La personne peut ainsi essayer d'être "aimable" en toutes circonstances pour se sentir reconnue et appréciée à sa juste valeur. Une valeur qu'elle-même n'arrive pas à définir. Résultat : sa soif de reconnaissance ne sera jamais complètement assouvie et le manque d'estime de soi et la frustration au travail persisteront.
► Comprendre et accepter cette blessure. Le plus important est ce que l'on ressent et non ce que l'on vit : il faut donc commencer par faire un état des lieux de ce que l'on ressent. Poser des mots sur ses ressentis et ses émotions - avec bienveillance et sans émettre de jugement subjectif - est la première étape de la cicatrisation. Cela permet de verbaliser ses émotions, d'être plus à l'écoute avec soi-même et de ne plus les fuir. "Dans un premier temps, il faut apprendre à ne plus voir cette blessure comme un fardeau à porter, mais comme une opportunité de mieux se connaître. Ne jamais oublier qu'on n'est jamais fini et qu'on se découvre au fur et à mesure de notre vie. A chaque difficulté, on va planter des graines qui ont tout le potentiel de nous rendre meilleur. Le travail va consister à accueillir tout ce qui se manifeste en nous : aussi bien les parts sombres et douloureuses que les parts lumineuses".
"Chaque difficulté éprouvée peut être transformée en enseignement."
► La thérapie va permettre de trouver du sens à nos croyances qui sont, en l'état, "limitantes et handicapantes" et aider à cicatriser la plaie progressivement. "Cela va permettre de reprogrammer en douceur notre cerveau pour qu'il aille dans la direction que l'on souhaite emprunter. Cela vaut donc vraiment la peine de faire un travail sur soi pour muter et transformer notre façon de penser". Cela va consister à aller en profondeur et trouver ce qu'on n'a pas digéré dans le passé, ce qui a été douloureux ou trop longtemps enfoui. "Chaque difficulté éprouvée peut être transformée en enseignement, en opportunité de mieux se connaître et d'ajuster ses attentes en permanence". Pouvoir "déballer son sac" et se sentir écouté par quelqu'un qui nous accorde une disponibilité d'attention sans jamais nous juger peut donc être une bonne solution.
► Faire de l'hypnose peut également nous aider à panser cette blessure en ouvrant notre champ de conscience. "On a tous un inconscient qui est rempli de ressources exceptionnelles. Au fil des séances, tout ce qui est inconscient et impalpable (des choses dont on ne se souvient pas, des parts sombres de nous) va ressurgir et apporter des clefs qui aideront à mieux nous comprendre" .
Hypnose : techniques, bienfaits, comment ça marche ? L'hypnose est un état naturel au cours duquel l'attention au monde extérieur est diminuée pour permettre à l'inconscient d'être plus présent et de percevoir de nouvelles ressources. Sous hypnose, il va être possible de gérer la douleur, la dépression, le stress, améliorer la confiance en soi...
► L'art-thérapie, la communication animale ou toute autre technique qui fera parler l'inconscient et qui réussira à faire émerger des ponts entre la blessure et l'individu pourront libérer certaines blessures.
"C'est peut-être une opportunité de mieux se connaître et de trouver en nous une ressource encore inexplorée"
"Oui, la "guérison" est possible". Cela ne veut pas dire que la blessure n'a jamais existé ou qu'elle est enfouie à tout jamais. Elle pourra peut-être se réactiver, mais la manière dont on l'accueillera ne sera plus néfaste. Avec le temps, l'alarme (dont on parlait plus haut) sonnera de moins en moins car on va se sentir de plus en plus sécurisé et de plus en plus en phase avec nos émotions. On n'aura plus peur de la blessure car on aura pris conscience qu'elle nous a fait grandir et qu'elle nous a permis de mieux nous explorer. "Au fur et à mesure de la guérison, on accepte que notre vie n'a pas été parfaite et on sait maintenant que lorsqu'un ressenti est désagréable, c'est peut-être une opportunité de mieux se connaître et de trouver en nous une ressource encore inexplorée comme la patience, la tolérance, la sagesse, la bienveillance... C'est ça la vraie guérison : avoir un nouveau système de pensée en perpétuel mouvement Nelson Mandela avait une célèbre phrase : "Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j'apprends". Il ne faut donc jamais oublier que c'est le travail de toute une vie de cultiver ces directions d'esprit. Et ce, jusqu'à la dernière seconde de notre existence".
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